Fiston le vaniteux

Publié le par polly





Dans un petit village flamand, au Nord de la France, vivait le vieux Michel.
Michel possédait une petite ferme et cultivait sur ses quelques hectares de terre : des pommes de terre, des betteraves, du blé et du maïs, et élevait quelques poules, canards et dindes.
Un coq assurait le réveil matinal et deux braves chiennes gardaient la cour : Snoopie et Laïka.
Il ne possédait qu’une seule vache, pour ses besoins personnels en lait, qu’il appelait la Rouquine.





Deux chevaux partageaient l’étable de la Rouquine. Le premier était un bon gros cheval de trait dit boulonnais, que le fermier avait nommé Bouboule, et qu’il utilisait encore comme jadis, pour ramener ses récoltes sur une charrette, car, il faut bien l’avouer, le vieux Michel était un peu avare, et évitait d’utiliser son tracteur pour économiser le carburant.




Le second cheval, était, lui, un superbe pur-sang. Michel était particulièrement fier de posséder ce cheval, qu’il faisait courir dans toutes les réunions hippiques de la région. Fiston (c’était son nom) était un gagneur, et donc, rapportait régulièrement, un joli pécule au cultivateur.




Comme ils étaient fiers, le dimanche soir, quand ils rentraient des courses ! Michel invitait alors ses amis fermiers pour fêter la victoire autour d’une chope de « bière du ch’ti ».
Tony, le neveu de Michel qui montait Fiston, raccompagnait alors ce dernier revêtu d’une couverture jusque dans son box, et ne cessait de lui caresser l’encolure :
- « Alors, mon vieux, toujours le meilleur ? Tu as été super ! Oui tu es vraiment le plus fort ! Repose-toi bien maintenant, tu l’as bien mérité, et dimanche prochain, on gagnera encore ! »
Après le départ du jeune homme, Bouboule questionnait Fiston :
- « Alors, comment c’était ? Il y avait du monde ? Raconte… »

Fiston relevait alors fièrement la tête, et répondait avec suffisance :
- « J’ai été superbe, comme d’habitude. Je ne courais pas, je volais. La foule en délire scandait mon nom à l’arrivée et se ruait vers moi pour me flatter, m’embrasser, me féliciter. Après ma toilette, le maître m’a offert un énorme picotin, et deux belles pommes… »
Bouboule écarquillait les yeux et écoutait, admiratif, le récit de son compagnon.
- « Comme j’aimerais aussi, aller sur les champs de courses !… » murmura t’il rêveur. Un grand éclat de rire le fit revenir brutalement à la réalité :
- Toi, sur un champ de courses, mais laisse-moi rire, le rabroua méchamment Fiston, regarde-toi gros balourd, vois tes pattes grasses, ta démarche grossière, nonchalante et pesante… Le malheureux Tony aurait les jambes en cerceaux s’il te montait ! D’ailleurs ce n’est pas pour rien si le Maître t’a appelé Bouboule. Non mais voyez un peu ce gros plat de soupe…
- Fiston çà suffit, gronda la Rouquine, tu n’as pas le droit d’insulter notre ami, il ne mérite pas de tels affronts…
- Laisse… ce n’est rien, balbutia Bouboule, il a raison, quel sot je fais. C’est vrai que je suis gros et lourd…
- Allons, dis la Rouquine, ne te fais pas de mauvais sang, vous êtes différents, c’est vrai, mais tu as d’autres qualités, tenta-t-elle encore de le consoler
- Tu sais bien que non… Je rêvais… » et il détourna la tête pour que ses compagnons ne voient pas les larmes qui brillaient dans ses yeux.
Fiston jubilait dans son box, tandis que la vache soupirait de compassion, pour Bouboule bien-sûr, qui était si malheureux, mais aussi pour Fiston, aveuglé par sa vanité, car elle, savait ce qui se passerait un
jour.

Les mois passèrent. Fiston gagnait toutes les courses dans lesquelles il comparaissait, et Bouboule rentrait toujours les récoltes de Michel.
Un dimanche soir cependant, La Rouquine trouva le pur-sang pensif, bien qu’il soit rentré vainqueur une fois de plus.
- « Que se passe t-il ? Le picotin te resterait-il sur l’estomac ? La foule se serait-elle montrée moins enthousiaste ?
- Non, non, çà va… »
Elle n’insista pas, mais demeura inquiète. La date fatidique se rapprochait-elle déjà ?
Toute la nuit le cheval se montra agité. Dans son sommeil il raclait le sol de son sabot et laissait en même temps échapper de légers hennissements plaintifs.

La vache se tourmentait de le voir dans un tel état.
Chaque victoire était de plus en plus difficile à conquérir, et ce dimanche, seule la photographie avait pu déterminer le vrai vainqueur.
Fiston sentait peu à peu ses forces s’amenuiser, et de plus jeunes chevaux
menaçaient de le détrôner.
Sûr de lui, il n’avait jamais envisagé la défaite : mais aujourd’hui l’inquiétude le rongeait.

Le matin, lorsque le jeune jockey l’eut emmené pour l’entraînement quotidien, Bouboule questionna la Rouquine :
- « Qu’est-ce qu’il a ? Il paraît bizarre ces jours-ci. Il n’est pas bien ?
- Non, je crains que notre ami ne gagne plus beaucoup de courses.
- Mais qu’est-ce que tu racontes ? Il est si beau, il court si vite…
- Il courait si vite ! rectifia la vache. Tu sais, Fiston a maintenant huit ans et pour un cheval de courses, c’est presque l’âge de la retraite…
- Déjà ? Mais, regarde, moi, j’ai dix ans, et j’ai encore de la force, tentait de comparer le Boulonnais
- Oui, je sais que vous n’êtes pas vieux ni l’un, ni l’autre… mais les courses hippiques c’est comme çà ; Fiston doit maintenant concourir avec des chevaux plus jeunes, et bien que très fort encore, il est un peu moins fougueux que jadis. Les victoires, les fleurs, le vedettariat… çà ne dure pas !
- Mais alors, que va-t-il devenir ?
- Ah, çà…. »

La Rouquine connaissait suffisamment Michel, pour savoir qu’il ne conserverait pas longtemps un animal dont il ne pouvait plus tirer profit.
- « Dis, La Rouquine, tu ne m’as pas répondu, que va-t-il devenir ?
- Et bien, il est probable que le maître le vendra, répondit-elle
- Le vendre, mais à qui ? Dis, à qui, s’inquiéta Bouboule
- Je ne sais pas… A Casimir sûrement…
- A Casimir ! répéta le cheval horrifié, oh, non, ce n’est pas vrai ! »
Bouboule ne connaissait Casimir que de nom, mais cela suffisait à lui faire dresser la crinière. Il avait entendu parler de cet homme, un jour que Michel l’avait emmené à une foire agricole : c’était le directeur de l’abattoir du canton.





Il ferma les yeux et secoua désespérément la tête. Il était impossible que le vieux fermier soit aussi monstrueux, essayait-il de se persuader.
- « Ce n’est qu’un humain, conclut la vache, et pour les hommes l’argent est tellement important !
- Mais Fiston lui en a fait tant gagner en remportant toutes ces courses ! Il est le préféré du maître, il n’en fera quand même pas du saucisson ? Il faut faire quelque chose ! suggéra le boulonnais
- Attendons, dit La Rouquine, je me trompe peut-être, et notre ami gagnera encore de nombreuses courses, » tenta-t-elle de le rassurer sans trop de conviction.

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Plusieurs semaines passèrent encore. Fiston n’était plus tout à fait le grand vainqueur, mais il se plaçait néanmoins encore à l’arrivée. Il demeurait un excellent cheval de courses.
Mais un dimanche soir :
- « Que s’est-il passé aujourd’hui mon vieux Fiston ? demanda Tony en lui tapotant l’encolure, tandis qu’il le reconduisait dans son box. Sans doute es-tu fatigué ? Je demanderai à Oncle Michel de te laisser quelques semaines de répit, et tu leur montreras encore que tu es le meilleur. Repose-toi !


Fiston ne courut plus les réunions suivantes. Il accompagnait La Rouquine et Bouboule qui broutaient dans le pré.
La vache l’entendit murmurer :
- « Je suis fichu, ma carrière est terminée, je sais que je ne courrai plus jamais, et que pour moi la fin est proche
- Allons, allons, que de mauvaises pensées ! Tout le monde a des moments de faiblesse, dit La Rouquine tentant de le réconforter.
- Laisse-moi, tu sais que j’ai raison. » Et, il se mit à hennir douloureusement.
Oui, elle savait… Alors elle n’insista pas.


Quelques semaines plus tard, Tony vint chercher le pur-sang pour
le conduire au paddock. Il le sella, et lui murmura à l’oreille :
- « Allez mon vieux, finies les vacances, il faut faire le maximum, tu DOIS gagner la prochaine course. Alors au travail maintenant, il nous reste quinze jours pour être au point. »
Le brave jockey encourageait le cheval après chaque entraînement en lui tapotant l’encolure et en l’attendrissant par de douces paroles : il fallait avant tout, que fiston reprenne confiance en lui-même.
Malgré les efforts du jeune homme, le pur-sang ne put être parmi le trio gagnant de jour de la réunion annoncée. Ni même les suivantes d’ailleurs.
Le vieux Michel était furieux. La saison hippique se passa sans que Fiston ne remportât cette année-là, la moindre victoire.
Et par un triste matin d’hiver….

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- « Vite, la Rouquine, regarde ! La camionnette là-bas, n’est-ce pas celle de Casimir ?
- Oui, tu as raison, meugla la vache apparemment très inquiète
- Crois-tu qu’ils parlent de Fiston ?
- Je le crains Bouboule ! » répondit-elle en soupirant.
Soudain la porte de la ferme s’ouvrit et le vieux Michel, accompagné du directeur de l’abattoir, se dirigèrent vers l’étable.
Le cheval de courses s’était approché de ses deux amis et murmura en voyant les hommes venir :
- « Cette fois, mon compte est bon … Comment a-t-il pu ? » et deux grosses larmes s’écrasèrent dans la paille.
Casimir entra, et, sûr de lui, s’avança droit sur Fiston.
Il l’observa, le contourna, le palpa et, satisfait, se retourna vers l’oncle de Tony qui l’attendait dehors.
La Rouquine les vit tous deux s’éloigner en discutant. Le fermier secouait la tête, levait les bras au ciel, haussait les épaules. Il s’arrêta finalement, se tourna vers Casimir, et les deux hommes se donnèrent une poignée de main avant d’entrer dans la maison.
« Marché conclu » traduisit la vache bouleversée, à Bouboule effondré.
A ces paroles, les oreilles de Fiston frémirent et le malheureux cheval hennit douloureusement.

Quelques minutes plus tard, le fermier et son compagnon ressortirent de l’habitation et revinrent à l’étable.
Michel décrocha le mors qui pendait sur une poutre et le mit à Fiston. Puis il tendit la bride à Casimir pour qu’il puisse l’emmener. Le pauvre cheval tenta quelques ruades, mais, comprenant qu’il ne pouvait lutter, se laissa faire et pénétra dans le van du directeur de l’abattoir.


La vache et le boulonnais qui avaient assisté, impuissants à toute la scène restèrent désemparés, ahuris. Puis, quand ils prirent enfin conscience du départ définitif de leur ami, ils pleurèrent durant de longues heures.

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Fiston, de son côté, fut emmené dans un pré, et la nuit tombée, on le conduisit à sa nouvelle étable.
Si les circonstances n’étaient pas si dramatiques, elle lui aurait même parue plus confortable que celle qu’il partageait avec La Rouquine et Bouboule.


En pensant à ses compagnons, le cheval hennit plaintivement : il ne leur avait même pas dit adieu !
Il aurait voulu dire à bouboule avant de partir, combien il regrettait de s’être si souvent moqué de lui, et que malgré tout ce qui les différenciait, il l’aimait énormément et l’avait toujours considéré comme son frère.
Quant à la Rouquine, il se rendait compte à présent qu’elle était la voix de la sagesse, et qu’il ne lui avait jamais démontré toute la sympathie et la tendresse qu’il avait pour elle.
Un gémissement rauque sortit de sa gorge. Combien de temps lui restait-il à vivre ?
Tous trois passèrent une effroyable nuit peuplée de cauchemars.

Ce que les trois compères ignoraient, c’est que la nouvelle avait fait le tour de la petite ferme, et que durant la nuit, une sorte de complot s’était organisé.
Le coq ne lança pas le « COCORICO » quotidien du lever du jour, et l’on vit le fermier affolé, partir aux champs à neuf heures, enfilant en toute hâte ses bretelles.
A l’heure du déjeuner, Michel passa par le poulailler, et s’étonna que pas une poule ne lui avait pondu le moindre petit oeuf.
Il vit au passage que Snoopie et Laïka avaient dédaigné leur pâtée.
Les surprises ne faisaient que commencer : Bouboule comprenant que tous voulaient aider leur idole aujourd’hui destinée à devenir un rosbif, refusa de faire avancer le chariot que lui avait attelé l’agriculteur. Même sous les coups de baguette, le boulonnais ne bougea pas d’un pouce. Le vieux Michel dut donc capituler et chercher son tracteur pour ramener ses betteraves à la ferme.
Il lui tardait que cette journée néfaste se terminât !


Avant de se coucher, il se rendit encore à l’étable pour traire la Rouquine, et constata, perplexe, que le lait était tourné et qu’il était totalement imbuvable.
Très intrigué par cette cascade d’évènements étranges, le fermier passa à son tour une nuit très agitée.
Il s’empressa de se lever dès les première lueurs du jour tout en se demandant ce que lui réserverait cette nouvelle journée.

Très vite il put constater, que, comme la veille, la basse-cour semblait s’être mise en grève et que ses deux fidèles chiennes continuaient leur diète.
Bouboule quant à lui, refusa catégoriquement de se laisser atteler et appuya même son entêtement de quelques ruades.  
Abasourdi, le fermier commençait à se demander s’il devenait
fou, quand le jeune Tony arriva :
- « Bonjour Tonton !
- Ah, bonjour mon garçon, tu tombes bien ! Essaie donc de décider cette vieille bourrique à venir aux champs…
- Bien sûr, mais je vais d’abord embrasser mon copain Fiston.
- C’est qu’il n’est plus ici mon gars…
- Plus ici, répéta le jockey, mais où est-il ?
- Je l’ai vendu à Casimir qui m’en a donné un bon prix. Mais rassure-toi petit, je rachèterai bientôt un autre cheval de courses…
- Fiston à l’abattoir ? Tu n’as pas fait une chose pareille ?
- Mais puisque je te dis que je vais en acheter un autre …
- Je ne monterai aucun autre cheval que fiston, tu es un monstre, jamais je ne te le pardonnerai, hurla le jeune homme en claquant la porte de l’étable
- Mais ils sont tous devenus fous ! » maugréa le vieil homme.

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Une semaine s’était écoulée et chacun à sa façon, continuait à bouder Michel.
Snoopie et Laïka ne trouvaient même plus la force d’aboyer lorsqu’un visiteur approchait, tant elles étaient affaiblies.
La Rouquine et Bouboule restaient prostrés dans leur étable, refusant de sortir, de travailler et de manger eux aussi, par solidarité avec les chiennes.
Curieuse coïncidence, au grand désespoir du fermier, le tracteur faisait, depuis quelques jours, l’objet d’une panne que le vieil homme ne parvenait pas à réparer.
Tony n’était toujours pas réapparu, et, très contrarié, Michel décida d’aller lui rendre visite, puisque de toute façon, il ne pouvait plus travailler :
- « Alors, mon gars… On vient plus voir son vieil oncle ?
- Bonjour… C’est que j’ai à faire ces temps-ci…
- Taratata, viens t’asseoir un peu près de moi petit, on ne va pas se fâcher tout de même ; tu l’aimais tant que çà ce cheval ?
- Oh oui Tonton, s’empressa de répondre le jeune homme
- Mais je croyais que ce qui te plaisait, c’était de monter un vainqueur…
- Oui bien sûr, mais Fiston, c’est plus que çà, c’est mon ami, et de le savoir à l’abattoir… »
Tony ne put terminer sa phrase, et il éclata en sanglots.
- « Allons, mon garçon, les hommes ne pleurent pas ! Essuie-toi les yeux, dit le fermier très ému, et il ajouta : il n’est peut-être pas trop tard… Et si on allait chez Casimir ?
- Oh, oui Oncle Michel, s’exclama aussitôt le jockey plein d’espoir.

Tous deux partirent chez le directeur de l’abattoir, et tandis que le vieil homme conduisait la 2CV, Tony priait en silence pour que son ami soit encore vivant.
- « Ah, çà mais c’est le Michel ! Qu’as-tu encore à me vendre ?
- Rien Casimir… C’est le gamin… répondit-il gêné, depuis que je t’ai vendu Fiston il déprime…
- Alors tu viens voir si je n’en ai pas encore fait du rosbif, pas vrai ?
- Ben, si… Alors ? »
Tony pâle comme un linge retenait son souffle, et croisait les doigts.
- « Vas, mon garçon, cours vite le rejoindre, il est là-bas dans le pré du fond. Tu sais, moi aussi j’avais un peu mauvaise conscience, c’est qu’un gagneur comme celui-là, on n’est pas près d’en revoir un alors… »
Mais le jeune jockey n’écoutait plus. Son ami était en vie et tout le reste n’avait aucune importance.
Les deux hommes sourirent en voyant de loin le gamin embrasser Fiston, qui, lui aussi semblait heureux et soulagé.
Casimir proposa à Michel de reconduire le cheval dans sa ferme avec le van, ce que l’agriculteur accepta immédiatement.

- « Regarde La Rouquine, le maître nous amène un nouveau compagnon » dit Bouboule en voyant entrer la camionnette dans la cour.
La vache acquiesça en hochant tristement la tête et en soupirant.
Soudain Snoopie et Laïka se mirent à aboyer, gambader, tournoyer autour du véhicule.
- « Qu’est-ce qui leur prend ? « s’interrogea le boulonnais, puis stupéfait, cria joyeux, en reconnaissant la silhouette de son idole
- Il est revenu ! Le maître est allé recherché Fiston ! »
La basse-cour, alertée par les aboiements, s’était remise à caqueter comme au temps du bonheur, et le coq complètement perturbé, lançait plein de « COCORICO » de joie.
Le jeune Tony tenait fièrement la bride et raccompagna le pur-sang à son box, dans l’étable des deux compères :

- « Je vous ramène votre copain Bouboule et La Rouquine, soyez sympa avec lui ! »
Tandis qu’il enlevait doucement le mors de la bouche de son cher cheval, il lui dit doucement à l’oreille :
- « Demain et chaque jour je reviendrai comme avant et nous irons nous promener. Plus jamais nous ne serons séparés. » 


Lorsque le jeune homme fut parti, la vache et le cheval de trait firent une véritable fête au « miraculé ».
- « Que c’est bon de te retrouver… Bienvenue dans ta maison ! » lui dit La Rouquine, émue. Et elle expliqua comment la vie à la ferme s’était arrêtée depuis son départ.
- « Merci mes amis, dit Fiston les larmes aux yeux, lorsque la vache eut tout raconté, merci beaucoup ! Vous savez… ces quelques jours passés loin de vous m’ont changé. J’ai tant pensé à vous, et me suis fait tant de reproches ! Excuse-moi de m’être si souvent moqué de toi Bouboule, je t’ai toujours admiré en réalité : tu es si fort ! Moi je n’aurai jamais su tirer d’aussi lourdes charrettes, ni travailler parfois, si tard le soir, et toi La Rouquine, tu as toujours été si bonne et si juste avec nous, tu es plus qu’une amie… tu as presque toujours été notre maman !… Je m’en veux pour toutes ces bêtises que j’ai pu vous dire tant j’étais orgueilleux ; ma vanité me rendait vraiment idiot et même souvent méchant. Là-bas chez Casimir, je m’étais presque convaincu qu’après tout, je méritais bien mon sort…


- Allons ne parlons plus de tout çà, conclut la vache en reniflant d’émotion, c’est tellement bon d’être à nouveau réunis, hein Bouboule ?
- Oh oui … Je suis si heureux !»

Tout commentaire supplémentaire était inutile : toute la joie et le
bonheur de leurs retrouvailles se lisaient dans leurs yeux.

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Pendant ce temps, à la maison, le vieux Michel et le jeune Tony entamait une discussion très importante, surtout pour le fermier.
- « Vois-tu mon gars, je n’ai jamais rien su te refuser. J’ai bien pensé que le fait de vendre Fiston t’attristerait, mais je ne croyais pas cependant qu’il représentait autant pour toi, sinon je ne t’aurais pas infligé une telle peine ! Mais, puisque j’ai maintenant, réparé ma faute, il faut que nous pensions aux choses sérieuses : un cheval coûte cher, il lui faut son avoine quotidienne et, maintenant qu’il ne peut plus courir, Fiston ne m’est plus d’une grande utilité. C’est là une dépense que je n’avais pas prévu dans mon budget…
- Tonton, je crois que j’ai une idée… avança timidement le petit jockey
- Je t’écoute…
- J’ai des tas de copains à l’école qui m’enviaient de monter un grand vainqueur comme Fiston, alors j’ai pensé que dans le paddock je pourrais donner quelques cours d’équitation aux jeunes, et puis l’été, nous pourrions lui atteler cette vieille calèche que tu as laissée depuis bien longtemps à l’abandon dans la remise. Si tu le veux bien, pendant quelques semaines, je viendrai la remettre en état : reclouer çà et là les planches un peu bancales, la consolider, lui donner de jolies couleurs et garnir les sièges de peaux de moutons, et moyennant quelques euros, aux mois de vacances, je suis sûr que de nombreux touristes se feraient une joie de visiter notre belle Flandre, avec pourquoi pas, un arrêt/visite du moulin de ton copain Alfred, s’il est d’accord. Je suis persuadé que tu pourrais en tirer un très bon bénéfice… »


Tony très perspicace avait lâché intentionnellement un mot qui résonnait aux oreilles du cultivateur comme le déclic strident d’une caisse enregistreuse.
Michel avait écouté sans interrompre son neveu avec un intérêt d’autant plus grandissant que toutes ces idées étaient extrêmement astucieuses.
Il objecta que les études du jeune homme ne devaient toutefois pas
en pâtir, mais devant tant d’enthousiasme, il décida de lui faire confiance.

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Les semaines passèrent, Tony initiait quelques amis aux joies de l’équitation et quand vint le printemps, il attela la calèche rénovée à Fiston et commença les circuits touristiques.
Il avait pris la précaution de faire paraître une petite annonce dans la presse locale, ce qui lui avait rapporté ses premiers clients. Le bouche-à-oreille fit le reste.
Lorsque l’été arriva, grand nombre de vacanciers avaient entendu parler des merveilleuses promenades.
Tant et si bien que pour satisfaire la demande, le vieux Michel dut se procurer une seconde calèche qu’il attela à Bouboule.


C’est ainsi que Fiston le pur-sang, et Bouboule le cheval de trait, firent ensemble, joyeusement et durant de longues années, les circuits touristiques à travers la Flandre avec arrêt picotin au moulin d’Alfred, tandis que La Rouquine produisait le lait dont se délectaient les enfants de retour à la ferme.


- « Dis Bouboule… On fait la course ? plaisantait Fiston
- Chiche !!!! »





Claudie Becques 

 

 

 

Publié dans Les contes de Polly

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L
tres belle histoire!un debut de joie!ensuite inquietude peur!une belle lecon de moral!j ai savoure!et cette moral peut etre appliquee a beaucoup beaucoup!pensons y
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P
<br /> <br /> Merci pour cette belle analyse Lydie, et surtout d'avoir eu la patience d'aller jusqu'au bout de cette longue histoire.<br /> <br /> <br /> <br />